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TÊTE-À-TÊTE avec le professeur Stéphane Laporte, un chercheur qui défend le pouvoir incroyable des sciences fondamentales pour façonner l'avenir de la médecine

- Chercheur, Programme de recherche en thérapeutique expérimentale et en métabolisme, IR-CUSM

- Directeur, Plateforme d'imagerie moléculaire de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM

- Professeur et directeur de la recherche, Division d'endocrinologie et de métabolisme, Université McGill



25 juin 2015

Source : CUSM. La carrière de Stéphane Laporte en pharmacologie est un succès retentissant. Il a fait son doctorat à l'Université de Sherbrooke, au Québec, puis son postdoctorat à l'université Duke, aux États-Unis, avec Marc Caron et son collaborateur, le Dr Robert Lefkowitz, lauréat du prix Nobel de chimie 2012. Il a accumulé des compétences sur une classe de récepteurs cellulaires qui participent à toutes les réponses physiologiques. Il jouit également d'une renommée internationale pour ses connaissances sur les médicaments allostériques, une nouvelle classe de molécules qui peut traiter les maladies de manière plus sécuritaire et mieux ciblée.  En 2010, il a « remporté le gros lot », comme il dit, lorsqu'un médicament allostérique, qu'il a caractérisé en collaboration avec le chimiste William Lubell et d'autres chercheurs de l'Université de Montréal (UdeM) et de l'Université McGill, a démontré le potentiel d'éviter les accouchements prématurés, un problème courant et grave pour la santé des nouveau-nés. De plus, en collaboration avec des chercheurs de l'UdeM, son laboratoire a mis au point une biotechnologie novatrice de biocapteurs, dont une licence a été concédée à une société biopharmaceutique. Le professeur Laporte étudie les mécanismes nécessaires pour améliorer l'action des médicaments, et plus particulièrement dans le  en cas de maladie cardiovasculaire.

Entrevue avec un chercheur qui défend le pouvoir incroyable des sciences fondamentales pour façonner l'avenir de la médecine.

Vos compétences en pharmacologie moléculaire sont réputées dans le monde entier. Vous vous spécialisez dans une classe de récepteurs qu'on appelle les récepteurs couplés aux protéines G (RCPG). De quoi s'agit-il? 

Les RCPG sont des protéines enchâssées dans la membrane plasmatique des cellules dont le rôle consiste à transférer un signal externe en réponse cellulaire. Ils contribuent à de nombreuses réponses physiologiques, telles que les contractions du cœur ou de l'utérus, le contrôle de la tension artérielle, la libération du glucose et même notre capacité de voir, de goûter ou de sentir. 

Comment cette signalisation se produit-elle?

Lorsqu'une hormone qui circule dans le sang reconnaît un récepteur sur la cellule, il s'y fixe et suscite une réponse. Les hormones peuvent déclencher diverses voies de signalisation et provoquer diverses réponses. Bien des maladies évoluent parce que les récepteurs ne répondent pas toujours correctement. Par exemple, en cas d'hypertension et d'insuffisance cardiaque congestive, la réponse est trop forte. Pour traiter ces maladies, on peut agir sur ces récepteurs, en les bloquant. Mon laboratoire se spécialise dans les récepteurs du système cardiovasculaire, les récepteurs de l'angiotensine de type 1. 

Vous avez également acquis une renommée internationale pour avoir contribué à améliorer l'action des médicaments par la signalisation biaisée. De quoi s'agit-il?

La signalisation biaisée nous permet de modifier la réponse habituelle de la cellule, en privilégiant certaines voies de signalisation. Nous développons une nouvelle classe de molécules, appelées  médicaments allostériques. Contrairement aux médicaments habituels, ils ciblent des foyers situés hors du site de fixation normal des hormones au récepteur et agissent d'une manière sélective, plus sécuritaire et plus ciblée. Les sociétés pharmaceutiques mettent de nouveau à l'essai leurs propres médicaments, dont ils vérifient le potentiel de propriétés allostériques. Cette recherche peut contribuer à la progression de la médecine personnalisée, car mieux nous comprendrons la signalisation biaisée, mieux nous serons en mesure de créer des médicaments adaptés aux patients qui, nous le savons, ne répondent pas tous de la même façon à un même médicament.

En 2010, vous avez développé un médicament en collaboration avec des chercheurs de l'UdeM et de l'Université McGill. Ce médicament, qui provoque moins d'effets secondaires, pourrait un jour être utilisé pour prévenir les accouchements prématurés.

Les accouchements prématurés sont responsables de 75 % de tous les décès de nouveau-nés qui n'ont pas d'anomalies congénitales. Nous avons mis au point une molécule qui se lie à un RCPG, et ce faisant engage une seule voie de signalisation et bloque les contractions utérines. Ce médicament est en cours d'essais cliniques chez les femmes souffrant de dysménorrhée (des contractions utérines douloureuses pendant les menstruations). Nous espérons pouvoir développer et mettre à l'essai la prochaine génération de ce médicament auprès des femmes enceintes. 

Comment percevez-vous votre participation au développement de ce nouveau médicament au si grand potentiel?

C'est la chance d'une vie. À titre de pharmacologiste, il est rare de participer à toutes les phases de développement d'un médicament : concevoir une petite molécule, la mettre à l'essai in vitro, puis dans un modèle préclinique, et la voir faire l'objet d'un essai clinique. Ce processus peut parfois s'étaler sur vingt ans. Je suis donc fier d'avoir contribué à une telle réalisation en début de carrière.

En qualité de chercheur fondamental, vous sentez-vous tenu d'expliquer le sens de ce que vous faites?

Tout à fait. Certaines personnes pensent que si un médicament agit en clinique, il n'est pas vraiment nécessaire d'en comprendre le fonctionnement. En fait, si on ne comprend pas le fonctionnement des molécules, on dépend de la chance pour en améliorer l'action, rallonger la durée de vie des patients ou vaincre des maladies comme le diabète, l'hypertension ou l'insuffisance cardiaque congestive. C'est pourquoi la recherche fondamentale est essentielle.

Vous avez été formé à l'université Duke au sein d'un groupe de chercheurs de renommée mondiale dont faisait partie Robert Lefkowitz, lauréat d'un prix Nobel. Comment cette expérience a-t-elle influé sur votre carrière? 

J'ai baigné dans un milieu extraordinaire, et cette expérience a changé ma vie. J'étais sous la supervision de Marc Caron, un chercheur québécois qui collaborait avec le docteur Lefkowitz. Ces chercheurs célèbres ont découvert les RCPG et se sont spécialisés dans sa pharmacologie. Ma formation dans ce milieu m'a donné de la visibilité et m'a aidé à asseoir ma réputation d'expert dans mon domaine.

Comment percevez-vous votre rôle auprès des stagiaires?

C'est l'enseignement dans mon laboratoire qui m'apporte le plus de fierté. Je trouve enrichissant d'aider les étudiants à évoluer et de les voir trouver leurs propres idées. Je leur enseigne l'importance de l'honnêteté, du travail acharné et de la persévérance, et j'essaie de ne pas être condescendant. Je leur dis également de cultiver leur curiosité.

En plus de vos travaux de recherche, vous êtes professeur à l'Université McGill et directeur de la plateforme d'imagerie moléculaire de l'IR-CUSM. Comment faites-vous pour équilibrer toutes ces activités avec votre vie familiale?

Comme mes collègues, je porte plusieurs chapeaux : je fais de la recherche, je forme des étudiants, je donne des conférences, je travaille à des comités, j'examine des demandes de subvention, et tout ça devient parfois lourd à porter. Toutefois, pour moi, les sciences ne sont pas un travail, mais un mode de vie. Je me pose constamment des questions liées à la recherche. Comme ma femme est également chercheuse – elle est pharmacologiste et professeure à l'Université de Montréal –, les sciences ne sont jamais bien loin.
 

Innovation au Glen : la FCI s'entretient avec nos chercheurs!

Écoutez l'entrevue avec le Dr Stéphane Laporte en  balladodiffusion qui a été réalisée par la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI). Le Dr Laporte nous parle de ses champs d'intérêt et du plaisir de travailler dans l'institut de recherche d'un centre hospitalier qui est à l'avant-garde des soins de santé.