Fil d'Ariane

null Au-delà de la recherche fondamentale : composer avec une maladie rare

Afin de célébrer la Journée internationale des maladies rares, le 28 février, un stagiaire de recherche de l’IR-CUSM nous expose le point de vue qu’il a développé en tant que patient

SOURCE : IR-CUSM

Alexandre Grant est stagiaire de recherche au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’IR-CUSM
Alexandre Grant est stagiaire de recherche au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’IR-CUSM

Alexandre Grant faisait partie du circuit de compétition en natation lorsque, à l’âge de 20 ans, on lui a inopinément diagnostiqué une maladie auto-immune débilitante rare. L’étudiant en première année d’un programme de premier cycle à l’Université McGill a alors été admis à L'Institut-hôpital neurologique de Montréal (le Neuro) pour y recevoir des traitements. Il se trouvait alors dans l’immeuble voisin où il avait assisté à ses cours à titre d’étudiant en microbiologie et immunologie. On lui a diagnostiqué un syndrome de Guillain-Barré (SGB), qui a provoqué une paralysie. Après des semaines d’hospitalisation, Alexandre Grant s’est réjoui d’avoir pu recevoir des immunoglobulines par voie intraveineuse (IgIV). Ce traitement a finalement réussi à arrêter son système immunitaire d’attaquer ses nerfs et lui a permis de reconstruire sa vie.

Alexandre Grant est maintenant étudiant à la maîtrise à l’Université McGill et stagiaire au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM). Il apporte le point de vue d’une personne parlant d’expérience aux scientifiques d’un laboratoire de recherche dont les travaux se concentrent sur le système immunitaire. Depuis son rétablissement, en tant qu’administrateur de la fondation Les Amis du Neuro, il aide activement d’autres patients atteints d’une maladie neurologique. Il est également administrateur représentant le Québec à la Fondation canadienne du SGB. À ce titre, il apporte son soutien aux patients ainsi qu’à leur famille, et défend leurs droits, alors qu’ils doivent composer avec le diagnostic d’une maladie neurologique rare.

En entrevue, Alexandre Grant explique comment il a pu « donner du sens à une expérience qui n’en avait manifestement pas » – alors qu’une maladie rare venait bouleverser sa vie.

« L’un des défis les plus importants qu’on doit relever lorsqu’on vit avec une maladie rare est de traverser cette épreuve seul. »

— Alexandre Grant

Q : Cinq ans plus tard, est-ce que votre expérience, soit d’avoir reçu un diagnostic de SGB et de vous être rétabli, vous a transformé?

Alexandre Grant (AG) : Le SGB m’a transformé de toutes les façons possibles; je crois que la plupart des personnes qui reçoivent un diagnostic de maladie rare seront d’accord avec moi. Ce diagnostic a changé le regard que je porte sur la vie et ce à quoi j’accorde de la valeur dans chacune des sphères de ma vie. Le fait de vivre avec une maladie rare m’a donné ce point de vue très particulier; je m’estime chanceux de pouvoir faire bénéficier les autres de ce parcours et de m’impliquer dans divers volets du service communautaire, qu’il s’agisse de la promotion d’une cause ou de la recherche. Le fait de mettre mon expérience au service des autres m’a aidé à penser ainsi; je me dis qu’au moins, les souffrances que j’ai éprouvées n’ont pas été vaines; elles m’ont aidé à trouver un sens à ce que j’ai vécu.

Q : En tant que stagiaire de recherche au laboratoire du scientifique Maziar Divangahi, Ph. D, de l’IR-CUSM, quel lien faites-vous entre votre travail et votre expérience du SGB?

AG : J’étudiais déjà en microbiologie et immunologie avant de recevoir un diagnostic de SGB; je m’intéressais par conséquent à ce domaine. Après mon rétablissement, j’ai découvert que le SGB et les maladies rares en général comportent beaucoup d’éléments que nous ne comprenons pas encore très bien. Trouver des réponses à des questions fondamentales sur le système immunitaire est ce qui m’a incité à poursuivre les travaux de recherche fondamentale auxquels je me consacre maintenant. Si nous pouvons acquérir une meilleure compréhension de notre système immunitaire, nous pourrons alors prévenir et traiter la maladie; au bout du compte, cela signifie soulager la souffrance humaine. C’est ce qui me motive le plus.

Q : Comment le service communautaire est-il devenu une priorité pour vous?

AG : Je crois que l’un des défis les plus importants qu’on doit relever lorsqu’on vit avec une maladie rare est de traverser cette épreuve seul. Par exemple, le SGB touche environ une ou deux personnes sur 100 000; il m’a fallu trois ans pour rencontrer quelqu’un qui avait déjà eu le SGB. Je ne peux décrire le soulagement que j’ai éprouvé lorsque j’ai pu parler à quelqu’un qui comprenait réellement ce que j’avais vécu. C’est pourquoi je suis si fier du travail que fait la Fondation canadienne du SGB/PDIC. Nous voulons nous assurer que les patients et les familles touchés par une maladie neurologique rare comme le SGB ne traversent pas cette épreuve seuls. En même temps, le fait de bâtir cette communauté nous a permis de devenir un solide réseau d’ambassadeurs de nos patients et de leur famille dans l’ensemble du Canada.

Q : Que répondriez-vous à quelqu’un qui demanderait pourquoi la Journée internationale des maladies rares est importante?

AG : Au sein de la communauté que forment les personnes touchées, directement ou indirectement, par une maladie rare, il y a l’idée selon laquelle, pris individuellement, nous sommes des cas rares, mais tous ensemble, nous sommes forts. Prises collectivement, des milliers de maladies rares concernent une partie importante de la population. Vivre avec une maladie rare comporte d’énormes défis, plus particulièrement quand vient le temps d’avoir accès aux diagnostics et aux traitements. Je me sens extrêmement privilégié d’avoir pu me rétablir comme je l’ai fait; c’est en grande partie parce que la maladie a été diagnostiquée rapidement et que j’ai reçu des traitements efficaces. Ce n’est cependant pas toujours le cas. Vivre avec une maladie rare signifie avoir de la difficulté à recevoir un diagnostic; en effet, des personnes vivent pendant des semaines, des mois, voire des années, avant de finalement recevoir un diagnostic. Le fait de recevoir un diagnostic ne garantit pas qu’il existe un traitement ou que le patient va avoir facilement accès à un traitement. Cela ne fait qu’effleurer le sujet des défis que doivent relever les personnes vivant avec une maladie rare. La Journée internationale des maladies rares est essentielle si nous voulons sensibiliser la population au besoin urgent de faire de la recherche sur les maladies rares et offrir de meilleurs soins aux personnes touchées par ces affections.

Pour en savoir plus : Conférence TEDxMcGill d’Alexandre Grant, “How I found my way in the dark” (en anglais uniquement)

Le 24 février 2022