Fil d'Ariane

null Le vaccin BCG offre une protection contre le virus de l’influenza, mais non contre celui du SARS-CoV-2

Une nouvelle étude, réalisée sous la direction de chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, révèle que le vaccin contre la tuberculose, existant depuis un siècle et connu sous le nom de BCG, peut offrir une protection contre les infections respiratoires comme l’influenza, mais non contre le SARS-CoV-2

SOURCE : IR-CUSM

Des chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) ont récemment publié les résultats de leur étude dans Cell Reports. Ils ont collaboré avec d’autres scientifiques, à l’échelle nationale et internationale, afin d’étudier l’effet du vaccin BCG (bacille de Calmette et Guérin) contre le SARS-CoV-2, le virus responsable de la COVID-19. Le BCG est reconnu pour être sécuritaire et efficace contre une vaste gamme d’infections virales, y compris l’influenza, mais on ignorait s’il l’était aussi contre le SARS-CoV-2.

(g. à d.) Maziar Divangahi, Ph.D., Eva Kaufmann, Ph.D., Kim Tran, Nargis Khan, Ph.D., Erwan Pernet, Ph.D. (Image par Alexandre Grant).
(g. à d.) Maziar Divangahi, Ph.D., Eva Kaufmann, Ph.D., Kim Tran, Nargis Khan, Ph.D., Erwan Pernet, Ph.D. (Image par Alexandre Grant).

« Le vaccin BCG a fait ses preuves et s’est avéré très efficace au fil du temps, déclare Maziar Divangahi, Ph. D., scientifique au Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’IR-CUSM et premier auteur de l’étude. Au cours des premiers jours de la pandémie de COVID-19, des études épidémiologiques ont laissé entendre que les programmes nationaux de vaccination par le BCG étaient associés à une diminution des taux de morbidité et de mortalité liés à la COVID-19 dans divers pays et dans divers groupes d’âge. Cette hypothèse a mené à plusieurs essais cliniques sur le BCG dans le monde entier. »

L’équipe de l’IR-CUSM a collaboré avec diverses universités canadiennes, soit l’Université Laval, l’Université McMaster et l’Université de Toronto, ainsi qu’avec l’Université Radboud des Pays-Bas. L’objectif des travaux communs de tous ces chercheurs était de déterminer si le vaccin BCG renforcerait l’immunogénicité et la protection contre le SARS-CoV-2; les chercheurs ont eu recours à des approches privilégiant des études cliniques et précliniques.

« Avant notre étude, nous étions plutôt convaincus que le BCG offrirait une protection contre le SARS-CoV-2, explique Kim Tran, candidate au doctorat et coauteure de l’article. Nous avions cette quasi-certitude parce que nos données démontraient que le vaccin BCG offrait une protection remarquable contre le virus H1N1. »

« Nous avons été très surpris lorsque nous avons conclu que le vaccin BCG dans les modèles murins de COVID-19 n’offrait aucune protection contre le SARS-CoV-2, poursuit Eva Kaufmann, Ph. D., première auteure de l’étude et boursière postdoctorale au laboratoire de Maziar Divangahi. Nous croyions initialement que nos résultats pouvaient s’expliquer par le fait que le modèle murin n’exprime pas naturellement le récepteur ACE2, ce qui s’avère nécessaire pour permettre au SARS-CoV-2 de pénétrer dans les cellules hôtes. »

« Nous avons par conséquent décidé d’avoir recours à deux modèles de hamsters, car ces animaux expriment naturellement le récepteur ACE2 et peuvent présenter les formes modérée ou grave de la COVID-19, ajoute-t-elle. Nous avons de nouveau conclu que le BCG n’offrait aucune protection. »

« De plus, en évaluant la pathologie des poumons, nous avons conclu que l’ampleur des lésions tissulaires et de l’hémorragie pulmonaire était considérable avec le SARS-CoV-2 comparativement à ce qui se passait avec le H1N1, commente Philippe Joubert, M.D., Ph. D., spécialiste de la pathologie thoracique à l’Université Laval et aussi auteur-ressource de l’étude en question. Contrairement au H1N1, le SARS-CoV-2 a la capacité d’infecter les cellules endothéliales qui tapissent le système vasculaire pulmonaire et qui expriment le récepteur ACE2. Cette caractéristique pourrait constituer la différence importante majeure entre ces deux virus respiratoires. »

« Il est intéressant de souligner que nous avons ensuite trouvé de l’ADN viral du SARS-CoV-2 dans la moelle osseuse, poursuit Nargis Khan, Ph. D., aussi boursière postdoctorale travaillant au laboratoire de Maziar Divangahi et copremière auteure de l’étude. La moelle osseuse renferme les cellules souches qui génèrent les nombreux types de cellules sanguines, y compris celles qui peuvent offrir l’immunité contre les virus respiratoires pathogènes. On a attribué à ces cellules souches bon nombre des effets protecteurs du BCG. Si un agent pathogène a accès à la moelle osseuse, il peut supprimer cette protection. Nous sommes actuellement en train de vérifier cette hypothèse. »

« Malgré le fait que le BCG est présent dans nos vies depuis un siècle, notre compréhension de ses mécanismes protecteurs contre la tuberculose et contre d’autres maladies infectieuses est extrêmement limitée, conclut Maziar Divangahi. Bien que le BCG ne semble pas offrir de protection croisée contre le SARS-CoV-2, il faut poursuivre les recherches pour démontrer si ce vaccin pourrait plutôt accroître la réponse immunitaire aux vaccins conçus spécialement contre le SARS-CoV-2 ou contribuer à pallier l’efficacité de courte durée des vaccins à ARN messager contre la COVID-19 actuellement disponibles. »

À propos de l’étude

L’étude intitulée “BCG vaccination provides protection against IAV but not SARS-CoV-2” a été réalisée par Eva Kaufmann, Nargis Khan, Kim A. Tran, Antigona Ulndreaj, Erwan Pernet, Ghislaine Fontes, Andréanne Lupien, Patrice Desmeules, Fiona McIntosh, Amina Abow, Simone J.C.F.M. Moorlag, Priya Debisarun, Karen Mossman, Arinjay Banerjee, Danielle Karo-Atar, Mina Sadeghi, Samira Mubareka, Donald C. Vinh, Irah L. King, Clinton S. Robbins, Marcel A. Behr, Mihai G. Netea, Philippe Joubert, et Maziar Divangahi.

Lire la publication dans Cell Reports.

Les auteurs tiennent à souligner le soutien qu’ils ont reçu de la part des Instituts de recherche en santé du Canada et du Programme de financement d'urgence de la recherche sur la COVID-19 de l’Initiative interdisciplinaire en infection et immunité de McGill, ou MI4. Les auteures remercient également les équipes de la Division des ressources animalières (DRA) et la Plateforme de confinement de niveau 3.

Le 8 mars 2022