Fil d'Ariane

null Tuberculose et COVID-19, un combat conjoint?

À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose de 2022, nous nous penchons sur les efforts que font les chercheurs du Centre international de TB McGill à l’IR-CUSM pour sensibiliser le public et éradiquer la tuberculose.

Des chercheurs du Centre international de TB McGill à l’IR-CUSM font des efforts pour sensibiliser le public et éradiquer la tuberculose. (g à d) Les Drs Madhukar Pai, Faiz Ahmad Khan, Dick Menzies, et Kevin Schwartzman.
Des chercheurs du Centre international de TB McGill à l’IR-CUSM font des efforts pour sensibiliser le public et éradiquer la tuberculose. (g à d) Les Drs Madhukar Pai, Faiz Ahmad Khan, Dick Menzies, et Kevin Schwartzman.

Tandis que les populations largement vaccinées des pays du Nord semblent abandonner les mesures sanitaires et « tourner la page » sur la pandémie de COVID-19, les pays à revenus faibles ou moyens peinent encore à vacciner leurs populations. Cette réalité contribue non seulement à l’émergence de nouveaux variants du SRAS-CoV-2, mais elle se répercute sur la lutte contre d’autres maladies infectieuses, comme la tuberculose (TB). À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose, nous nous penchons sur la situation et sur les efforts que font les chercheurs du Centre international de TB McGill à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) pour sensibiliser le public et éradiquer la tuberculose.

« Les maladies infectieuses telles que le paludisme, la tuberculose et le sida, aujourd’hui considérées comme des “maladies du tiers monde”, constituaient autrefois une menace sérieuse pour les pays riches. Quand l’incidence de ces maladies s’est mise à y diminuer, les pays du Nord sont passés à autre chose et ont réduit leur investissement dans de nouveaux outils et programmes. À l’heure actuelle, avec la COVID-19, les pays en développement doivent encore une fois se débrouiller seuls contre un virus on ne peut plus transmissible, sans avoir les doses de vaccin, les tests et les outils de traitement nécessaires. Certaines pandémies ne prennent jamais réellement fin — elles deviennent simplement invisibles pour les populations du Nord », écrivaient le Dr Madhukar Pai et ses co-auteurs dans l’édition du 4 mars 2022 de The Atlantic.

Reconnu internationalement pour ses travaux de recherche et de mobilisation vers plus d’équité en matière de santé, le Dr Pai est titulaire de la chaire de recherche du Canada en épidémiologie et en santé publique générale à l’Université McGill, directeur associé du Centre international de TB McGill, et scientifique sénior au sein du Programme en maladies infectieuses et immunité en santé mondiale à l’IR-CUSM. Collaborateur fréquent pour Forbes et plusieurs médias de renom, il veille à sensibiliser le public aux nombreux défis de santé mondiale liés à la tuberculose et à la COVID-19.

« En 2020, environ 1,5 million de personnes sont mortes de la tuberculose sur la planète, ce qui représente la première augmentation des décès dus à la tuberculose d’une année par rapport à la précédente depuis 2005 », écrit le Dr Pai avec ses co-auteurs dans un article publié en janvier 2022 dans le New England Journal of Medicine. Les auteurs y expliquent que la COVID-19 a aggravé l’épidémie de tuberculose et que les décès qui y sont liés ont augmenté à cause de l’accès réduit aux soins. Ils rapportent aussi que des millions de cas de tuberculose sont passés inaperçus dans des pays ayant connu des flambées de COVID-19 et des perturbations dans leurs services de santé.

Dans un autre article récemment publié dans The Lancet Respiratory Medicine—le premier d'une série—le Dr Pai détaille les effets de la COVID-19 sur la lutte contre la tuberculose, au niveau de la population et des patients, et propose des stratégies pour les inverser ou les atténuer.

Quelques faits sur la tuberculose, d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS) :

En 2020, la tuberculose était la deuxième cause de mortalité due à une maladie infectieuse, après la COVID-19.

On estime qu’environ un quart de la population mondiale présente une infection latente de tuberculose. Ces personnes sont porteuses de la bactérie sans être malades (pour l’instant) et ne peuvent pas transmettre la maladie.

Les personnes infectées par la bactérie de la tuberculose ont 5 à 10 % de risque de développer la maladie au cours de leur vie. Les individus dont le système immunitaire est affaibli, par exemple ceux qui vivent avec le VIH, qui souffrent de malnutrition ou du diabète ou qui consomment du tabac, ont un risque accru de tomber malades.

La tuberculose est présente dans tous les pays. Cependant, en 2020, deux tiers des nouveaux cas étaient associés à huit pays : l’Inde en tête, suivie de la Chine, de l’Indonésie, des Philippines, du Pakistan, du Nigeria, du Bangladesh et de l’Afrique du Sud.

Pourtant, la tuberculose est une maladie que l’on peut guérir et éviter.

Au Canada, la tuberculose est particulièrement présente chez certaines populations autochtones, notamment dans les zones nordiques éloignées. C’est aussi le cas au Québec. En effet, selon la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik (RRSSSN), le taux de tuberculose chez les Inuits du Nunavik est au moins 100 fois supérieur à celui du reste du Québec.

Les chercheurs de l’IR-CUSM tentent de trouver des solutions pour corriger ces réalités et se rapprocher de l’objectif fixé par l’OMS d’un monde sans tuberculose d’ici 2030.

Réduire les épidémies grâce à une approche de dépistage efficace

Le Dr Kevin Schwartzman, directeur de la Division de médecine respiratoire du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et scientifique sénior au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’IR-CUSM, travaille en partenariat avec le Dr Faiz Ahmad Khan, pneumologue au CUSM et directeur associé du Centre international de TB McGill, ainsi qu’avec la RRSSSN afin de mesurer les effets potentiels et immédiats du dépistage communautaire régulier de la tuberculose active et latente dans les collectivités inuites qui présentent des taux d’infection élevés. Ensemble, ils ont constaté que cette approche de dépistage est économiquement efficace, et en recommandent l’usage pour faciliter la réduction des épidémies. Leurs conclusions ont été publiées dans CMAJ en novembre 2021.

Utiliser l'intelligence artificielle pour la détection de la tuberculose

Le Dr Ahmad Khan, qui est également chercheur au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires de l’IR-CUSM, pilote des recherches sur l’utilisation de programmes d’intelligence artificielle pour améliorer la détection de la tuberculose. Les radiographies du thorax sont très utiles au diagnostic de la tuberculose, mais dans les régions reculées ou aux ressources limitées, les radiologistes à même de lire et d’interpréter ces images se font rares. Le Dr Khan a dirigé un projet collaboratif international pour évaluer la performance de ces programmes dans quatre pays différents. Les résultats, publiés dans Clinical Infectious Disease, ont inspiré les recommandations de l’OMS quant à cette nouvelle technologie. Plus récemment, les docteurs Khan et Schwartzman ont mené des recherches au Pakistan qui mettent en évidence l’efficacité et la rentabilité de cette technologie, et qui ont mené à la publication d’articles dans The Lancet Digital Health et Open Forum Infectious Diseases. Le Dr Ahmad Khan soutient également les efforts déployés par le RRSSSN et les communautés inuites pour lutter contre la tuberculose au Nunavik.

Trouver des traitements plus courts, plus sûrs et plus efficaces

Le Dr Dick Menzies, directeur du Centre international de TB McGill et du McGill-WHO Collaborating Centre for TB Research, est titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la tuberculose (niveau 1) et dirige le réseau CAB-V (Canada, Australie, Bénin et Vietnam), un groupe de recherche international qui participe au Tuberculosis Trials Consortium (TBTC) des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis. Le groupe tâche d’identifier des méthodes plus rapides, plus sécuritaires et plus efficaces pour traiter tant l’infection tuberculeuse latente (prévention de la tuberculose) que la tuberculose active. (En lire plus.)

Mettre à jour les directives pour les travailleurs de la santé de première ligne

En tant que rédacteur en chef des Normes canadiennes pour la lutte antituberculeuse (8e édition), qui seront mises en ligne le 24 mars 2022, le Dr Menzies a également été le maître d’œuvre de nouvelles recommandations fondées sur des données probantes pour prévenir et traiter la tuberculose au Canada. De nombreux membres du Centre international de TB McGill ont contribué à la rédaction de chapitres de cette nouvelle version du guide canadien de la tuberculose à l'intention des travailleurs de la santé de première ligne, notamment les chercheurs de l’IR-CUSM Drs Marcel Behr, Maziar Divangahi, Ahmad Khan, Madhukar Pai, Kevin Schwartzman et Dick Menzies.

Lutter à la fois contre la tuberculose et la COVID-19

Le Dr Pai, pour sa part, examine présentement les perturbations causées par la pandémie de COVID-19 sur les soins de la tuberculose au sein des services de santé privés de trois pays — l’Inde, l’Indonésie et le Nigeria. Il dirige également un projet de validation et d’intégration de tests rapides pour la COVID-19 et la tuberculose. Il soutient qu’il faut absolument mettre fin au plus vite à la pandémie de COVID-19 pour rétablir les services de tuberculose et les autres services essentiels. Cela ne pourra se faire que si les pays riches redistribuent leurs doses excédentaires de vaccin par le biais du Programme d’accès mondial aux vaccins COVID-19 (COVAX).

Mars 2022