Fil d'Ariane

null Une étude de l’IR-CUSM met en évidence le rôle d’une enzyme intervenant dans le cancer de la prostate agressif

Une enzyme intervenant dans le métabolisme des acides gras est un facteur déterminant quant à l’agressivité du cancer de la prostate et peut contribuer à la prédiction de mauvais résultats cliniques

SOURCE : IR-CUSM

Un article d’une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), récemment publié dans Oncogene, nous permet de mieux comprendre comment l’enzyme ECI1 contribue à l’agressivité d’une tumeur, en favorisant la croissance ainsi que la motilité des cellules, de même que leur propagation métastatique. On a associé à de mauvais résultats cliniques postchirurgicaux la présence de niveaux élevés de l’enzyme ECI1 dans des échantillons prélevés sur les tumeurs de patients, ce qui pourrait contribuer à identifier les hommes atteints d’une forme agressive de cancer de la prostate.

Les cancers de la prostate ne sont pas tous similaires. Certaines tumeurs peuvent rester relativement inoffensives, alors que d’autres peuvent s’avérer potentiellement mortelles. Il n’existe actuellement aucun test permettant d’établir avec précision la distinction entre les deux types de tumeurs associées au cancer de la prostate. Il est souvent difficile d’identifier une approche thérapeutique optimale qui maximise les chances de guérir une forme agressive de la maladie, tout en évitant les traitements inutiles en présence de tumeurs à croissance lente. Malheureusement, quelque 25 % à 30 % des hommes font une rechute après une chirurgie du cancer de la prostate, et les options de traitement de cette forme de cancer à un stade avancé demeurent limitées.

« Notre laboratoire vise à comprendre les conséquences fonctionnelles des altérations génomiques observées dans le cancer de la prostate et à identifier de nouveaux biomarqueurs diagnostiques pour établir une distinction entre les tumeurs associées à un cancer agressif et les tumeurs associées à un cancer indolent, à croissance lente, a déclaré Jacques Lapointe, M.D., Ph. D., scientifique au Programme de recherche sur le cancer à l’IR-CUSM et auteur principal de l’étude. Lors de l’exploration de nos données génomiques antérieures, nous avons observé chez les patients appartenant à un sous-groupe d’hommes atteints d’un cancer de la prostate agressif des niveaux élevés de copies de l’enzyme ECI1 ─ soit un nombre plus élevé de copies de l’ADN ─ dans la région du chromosome 16, qui encode l’enzyme ECI1. Nous savions que l’enzyme ECI1 jouait un rôle dans le métabolisme des acides gras, mais nous ignorions si le nombre élevé de copies de cette enzyme avait un lien avec l’agressivité du cancer de la prostate. »

« À partir d’expériences réalisées in vitro, nous avons démontré que les cellules d’une tumeur associée au cancer de la prostate copiant un niveau élevé de cellules de l’enzyme ECI1 se multipliaient davantage et généraient plus d’énergie que celles dans lesquelles le niveau de cette enzyme était moins élevé, a ajouté Yogesh M. Bramhecha, Ph. D., premier auteur de la publication, étudiant au doctorat et stagiaire travaillant sous la direction du Dr Lapointe à l’époque de ce projet de recherche.

De gauche à droite : Les auteurs Jacques Lapointe, Yogesh M. Bramhecha et Karl-Philippe Guérard (Photos : Karl-Philippe Guérard)
De gauche à droite : Les auteurs Jacques Lapointe, Yogesh M. Bramhecha et Karl-Philippe Guérard (Photos : Karl-Philippe Guérard)

Se fondant sur les données provenant d’une cohorte de 332 patients traités par prostatectomie radicale au CUSM, les chercheurs ont également démontré que la présence d’un niveau élevé de l’enzyme ECI1 dans des échantillons de tumeurs était associée à un risque plus élevé de récurrence du cancer et de formation de métastases après la chirurgie.

« Nous devions aussi évaluer si les effets de l’enzyme ECI1 observés in vitro dans les cellules associées au cancer de la prostate allaient se traduire dans des études in vivo, a poursuivi Karl-Philippe Guérard, M. Sc., deuxième auteur de l’article susmentionné et associé de recherche au laboratoire du Dr Lapointe. Nous avons modifié les cellules cancéreuses de la prostate qui surexprimaient l’enzyme ECI1; nous avons ensuite effectué un suivi sur ces cellules dans la prostate de souris, en ayant recours à l’imagerie en temps réel par bioluminescence. Nous avons rapidement constaté que les cellules surexprimant ECI1 formaient de plus grosses tumeurs dans la prostate et qu’elles étaient davantage susceptibles de se propager dans les organes distants que ne le faisaient les cellules témoins. »

« Il est remarquable que le nombre trop élevé de copies des cellules d’une seule enzyme intervenant dans le métabolisme des acides gras était suffisant pour rendre une tumeur plus agressive, a ajouté le Dr Lapointe, qui est aussi professeur agrégé à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université McGill. Nous savons que les cellules cancéreuses de la prostate puisent grandement leur énergie dans les acides gras, et l’enzyme ECI1 peut offrir la flexibilité métabolique nécessaire à la progression du cancer de la prostate. En conséquence, l’enzyme ECI1 et d’autres enzymes similaires intervenant dans le métabolisme peuvent être considérées comme une cible des nouveaux traitements thérapeutiques de l’avenir. »

À propos de l’étude

L’étude, intitulée « Fatty Acid Oxidation Enzyme Δ3, Δ2-enoyl-CoA isomerase 1 (ECI1) Drives Aggressive Tumour Phenotype and Predicts Poor Clinical Outcome in Prostate Cancer Patients », a été réalisée par Yogesh M. Bramhecha, Karl-Philippe Guérard, Étienne Audet-Walsh, Shaghayegh Rouzbeh, Ola Kassem, Erwan Pernet, Eleonora Scarlata, Lucie Hamel, Fadi Brimo, Maziar Divangahi, Armen G. Aprikian, Simone Chevalier, Vincent Giguère et Jacques Lapointe.

DOI : 10.1038/s41388-022-02276-z

Les auteurs remercient l’équipe responsable de la Plateforme d’imagerie du petit animal de l’IR-CUSM. Le projet de recherche dont il est ici question a été rendu possible grâce au soutien financier des institutions et organismes suivants : le département de la Défense des États-Unis, Cancer de la Prostate Canada, le Fonds de Recherche du Québec - Santé, les Instituts de recherche en santé du Canada, la Division d’urologie de McGill, qui a octroyé des bourses à des étudiants ayant servi à financer les travaux de recherche ainsi que le projet Bourses destinées aux stagiaires qui font de la recherche sur le cancer de la prostate, l’activité de financement « 100 Days Across Canada » (100 jours dans l’ensemble du Canada), qui a permis d’offrir des bourses à des étudiants participant au projet.

29 juin 2022