Fil d'Ariane

null Le déménagement dans des chambres à un seul patient au site Glen du CUSM a entraîné une diminution immédiate et durable des taux d'infection

19 août 2019

Les taux de colonisation de deux infections nosocomiales ont chuté peu après le grand déménagement.

Montréal – Le déménagement vers des chambres individuelles au site Glen du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) a permis de réduire considérablement les taux d'infections nosocomiales, selon une étude publiée aujourd’hui dans la revue réputée JAMA: Internal Medicine, publiée par l’Association médicale américaine. Une équipe de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) a constaté que les taux de colonisations et d’infections sanguines dus à l’entérocoque résistant à la vancomycine (ERV), une bactérie assez commune résistante à plusieurs antibiotiques, ont chuté dramatiquement et immédiatement après le déménagement. Cette chute suggère donc un lien entre les chambres individuelles et la réduction des risques d’infections nosocomiales. Leurs conclusions ont d’importantes implications dans les stratégies de lutte contre les infections en ce qui a trait aux constructions ou aux rénovations d’hôpitaux.

Les taux de colonisation et d’infection dus à l’entérocoque résistant à la vancomycine (ERV) ont chuté dramatiquement et immédiatement après le déménagement au site Glen le 26 avril 2015.

« L'expérience dans une chambre individuelle sur le site Glen du CUSM offre de nombreux avantages, tels que l’intimité, la confidentialité, le confort, la diminution du bruit et une meilleure qualité de sommeil. Il est important de noter que cette étude a également révélé que les chambres individuelles aideraient à réduire les infections », dit la Dre Emily Gibson McDonald, l’auteure principale de l’étude et une chercheuse pour le Programme en maladies infectieuses et immunité en santé mondiale et pour le Centre de recherche évaluative en santé (CRES) de l’IR-CUSM. Elle est également spécialiste en médecine générale interne au CUSM et professeure adjointe à la Faculté de médecine de l’Université McGill.

L’équipe de l’IR-CUSM a mené une analyse des séries temporelles visant à relever les variations dans les taux de plusieurs infections sur une période de 65 mois, avant et après le déménagement de l'ancien Hôpital Royal Victoria, qui contenait beaucoup de chambres multiples, vers le nouvel établissement du site Glen comprenant 350 lits. Les chambres du site Glen sont toutes individuelles et la plupart d’entre elles sont équipées de toilettes et de douches avec un accès facile à un évier pour se laver les mains.

Une des chambres individuelles au site Glen du CUSM

En plus de l’ERV, les chercheurs ont étudié deux autres infections nosocomiales communes résistantes aux antibiotiques: le Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) et le Clostridioides difficile (CDI), anciennement Clostridium difficile. L'évolution des taux d'infection a été comparée à celle du Québec afin de fournir une estimation des changements globaux survenus dans la province. 

Bien que le déménagement semble être associé à une diminution soutenue des taux de colonisation nosocomiale à SARM, la réduction des infections à l’ICD ou à SARM n'était pas statistiquement significative. Les taux d'infection au Glen ont diminué de plus de 70 % pour les ERV et de plus de 30 % pour les IDC. Cependant, alors que la réduction des ERV était nettement supérieure aux changements dans la province, les changements de l'ICD semblent refléter ceux qui se sont produits partout au Québec et au Canada.

« Nous ne pouvons pas prouver le lien de causalité dans une étude comme celle-ci, mais le changement a été tellement immédiat et frappant que nous sommes assez convaincus qu’il était en grande partie grâce au déménagement », dit l’auteur principal et l’auteur correspondant Dr Todd Campbell Lee. Il est également chercheur pour le Programme en maladies infectieuses et immunité en santé mondiale ainsi que spécialiste en maladies infectieuses au CUSM. « Par contre, les efforts constants menés par le personnel du CUSM afin de garder les installations très propres, d’encourager une excellente hygiène des mains de la part du personnel et d’intervenir plus agressivement lorsqu’il y a des éclosions ont aidé à maintenir les taux assez bas. »

L’importance des stratégies de contrôle des infections

Les chercheurs ont utilisé des données du Comité central de Surveillance provinciale des infections nosocomiales (SPIN) de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
« L’utilisation d’années de données provinciales standardisées sur la colonisation à ERV et les infections à C. difficile comme point de comparaison a certainement été utile pour renforcer l’association démontrée, puisque cela a réduit les chances que nos résultats soient dus aux changements se produisant avec le temps et à travers la province », explique le spécialiste en maladies infectieuses Dr Charles Frenette, microbiologiste et directeur du service de Prévention et contrôle des infections au CUSM.

En effet, le service de Prévention et contrôle des infections du CUSM lutte depuis plus d'une décennie pour contrôler la transmission des organismes multirésistants dans tous les sites, en adoptant et en améliorant constamment des stratégies telles que le dépistage des porteurs asymptomatiques, la mise en place de précautions de contact (utilisation de gants et de blouses pour le contact avec les patients) et le renforcement du respect des recommandations sur l'hygiène des mains. Cette dernière s'est améliorée, passant de moins de 44 % en 2012 à 71 % en 2017-2018, grâce à des audits systématiques et à une rétroaction sur le nettoyage et la désinfection.

Même s’il y a eu une diminution d’infections à C. difficile durant la période étudiée, ce faible niveau semble plutôt représenter une combinaison d’une meilleure utilisation des antibiotiques soutenue par la gérance des antibiotiques au CUSM ainsi que les changements perçus en même temps à travers le Québec et le Canada.

Protection contre les « superbactéries »

En outre, par analogie à l’ERV, les résultats de cette étude suggèrent que les chambres individuelles pourraient aussi avoir un impact sur la réduction des bactéries à Gram négatif très résistantes, incluant les bactéries productrices de carbapénèmase. Ces bactéries peuvent causer beaucoup d’infections sérieuses.

Ces « superbactéries » sont les nouveaux enfants du quartier et le plus grand défi auquel l'humanité est confrontée en ce qui concerne la résistance aux antibiotiques », dit le Dr Frenette. « De nombreux hôpitaux au Québec et au Canada ont eu de la difficulté à contenir ces organismes, et pour le moment, le CUSM a été épargné d’une importante transmission nosocomiale. »

« Nous pensons que tout comme l’ERV, la propagation des bactéries résistantes Gram négatif, particulièrement celles émergeant au Canada et celles qui sont concentrées dans les hôpitaux, pourrait être contenue plus facilement dans des établissements à chambres individuelles, lorsque combiné avec des mesures de contrôle des infections et d’hygiène des mains, ainsi qu’une meilleure utilisation d’antibiotiques », explique la Dre McDonald.

Il s’agit de l’étude la plus grande et la plus sophistiquée présentant des preuves à l’appui de l’investissement dans la conception d’hôpitaux à chambres individuelles. Selon le Dr Lee, la prochaine étape serait d’analyser l’impact économique de la réduction drastique et soutenue des infections résultant du déménagement.

Par-dessus tout, le défi pour l'avenir consistera à maintenir les efforts de lutte contre les infections.


À propos de l’étude

Time-Series Analysis of Health Care-Associated Infections in a New Hospital With All Private Rooms » a été coécrite par Emily G. McDonald, MD, MSc; Nandini Dendukuri, PhD; Charles Frenette, MD; Todd C. Lee, MD, MPH. DOI: 10.1001/jamainternmed.2019.2798


Contact média :

Gilda Salomone

Conseillère cadre en communications

Centre universitaire de santé McGill

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