Fil d'Ariane

null Tous les poumons ne naissent pas égaux

Une étude de l'IR-CUSM suggère que le développement des poumons au début de la vie a un effet sur le risque de décès prématuré.

Montréal, le 20 juillet 2023 - Les personnes ayant des voies respiratoires plus petites par rapport à la taille de leurs poumons - une condition appelée dysanapsie - pourraient mourir plus tôt que les autres. En particulier, elles risqueraient davantage de mourir de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), du cancer du poumon et d’une maladie cardiovasculaire athérosclérotique (MCSA), les trois principales causes de décès liées au tabagisme et à la pollution de l'air.

Telles sont les principales conclusions d'une étude prospective menée à l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) auprès d'une cohorte multiethnique de plus de 6 500 adultes. L'étude, qui a une portée importante pour la santé pulmonaire au 21e siècle, a été publiée récemment dans l'European Respiratory Journal.

La dysanapsie correspond à une inadéquation entre le développement de l'arbre respiratoire et la taille des poumons, qui peut être évaluée par tomodensitométrie (CT scan) et observée au début de l'âge adulte. Normalement, lorsque les gens grandissent, leurs voies respiratoires se développent proportionnellement à leurs poumons, mais chez certaines personnes, les voies respiratoires n'atteignent pas la taille attendue.

« Des études antérieures ont mis en évidence des associations entre la structure pulmonaire et la mortalité chez les grands fumeurs, où la structure pulmonaire peut refléter les effets cumulatifs du tabagisme. Notre étude démontre maintenant l'existence d'associations entre la structure pulmonaire naturelle et la mortalité dans un échantillon de la population générale, comprenant des personnes n'ayant jamais fumé », explique le Dr Benjamin Smith, auteur principal de l’étude et scientifique au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’IR-CUSM.

Des voies respiratoires plus petites, un risque de décès plus élevé

Cette étude a porté sur plus de 6 500 participants à la Multi-Ethnic Study of Atherosclerosis (MESA), une cohorte comprenant des hommes et des femmes de six régions différentes des États-Unis, qui avaient un âge moyen de 62 ans lorsqu'ils se sont inscrits à l'étude, en 2000.

Les participants à l'étude ont été suivis de 2000 à 2018 et classés en quatre quartiles en fonction de leur ratio voies respiratoires-poumons, de petit à grand. Sur le spectre de la dysanapsie, un petit ratio voies respiratoires-poumons correspond à un individu dont les bronches sont plus petites que la normale, et un ratio élevé correspond à un individu dont les bronches sont plus grandes que la normale.

Au total, 1 635 décès ont été enregistrés, dont 232 dus aux maladies cardiovasculaires athérosclérotiques, 128 au cancer du poumon et 59 à la MPOC.

Les chercheurs ont constaté que plus le ratio voies respiratoires-poumons était faible, plus le nombre de décès était élevé (515 décès dans le quartile le plus petit, contre 323 dans le plus grand). Ils ont relevé 60,1 décès en excès pour 10 000 personnes-années (l’équivalant de 1 000 personnes suivies pendant 10 ans) dans le quartile le plus petit par rapport au plus grand, ce qui indique une mortalité toutes causes confondues considérablement plus élevée.

Une association qui reste vraie chez les non-fumeurs

Il est frappant de constater que l'association entre un faible ratio voies respiratoires-poumons et une mortalité plus élevée était évidente à la fois chez les personnes n'ayant jamais fumé (35,8 décès en excès pour 10 000 personnes-années) et chez les personnes ayant déjà fumé (94,3 décès en excès pour 10 000 personnes-années).

« Les associations que nous avons observées entre un ratio voies respiratoires-poumons plus petit et une mortalité plus élevée étaient indépendantes des données démographiques, de la corpulence et de facteurs de confusion potentiels tels que l'ascendance raciale ou ethnique et l'exposition à la pollution atmosphérique et au tabac », note la Dre Motahareh Vameghestahbanati, première auteure de l'étude, résidente en médecine interne et lauréate de la prestigieuse bourse d’études supérieures du Canada Vanier et du prix MedStar de l’Université McGill.

la Dre Motahareh Vameghestahbanati, première auteure de l'étude, et le Dr Benjamin Smith, auteur principal de l’étude et scientifique au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’IR-CUSM.
la Dre Motahareh Vameghestahbanati, première auteure de l'étude, et le Dr Benjamin Smith, auteur principal de l’étude et scientifique au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’IR-CUSM.

« Ces nouveaux résultats suggèrent que la surmortalité associée à la structure des voies respiratoires n'est pas due exclusivement aux changements structurels induits par le tabagisme et qu'elle pourrait plutôt résulter d'un trait de développement qui augmente la susceptibilité à la mort due à des conditions pulmonaires et non pulmonaires. », ajoute celle qui a récemment terminé son Ph. D. à l’IR-CUSM.

« Il s'agit de la première étude importante à examiner la relation entre diverses mesures du calibre des voies respiratoires et la mortalité dans la population générale et, en particulier, chez les non-fumeurs », déclare le Dr Smith, qui est aussi pneumologue à l’Institut thoracique de Montréal du CUSM et professeur agrégé au Département de médecine de l’Université McGill.

« Un élément très intéressant de ce nouveau travail est qu'il fournit la preuve que "tous les poumons ne naissent pas égaux" en ce qui a trait à la susceptibilité aux aérosols nocifs inhalés comme la fumée de tabac et les polluants atmosphériques, ouvrant de nouvelles pistes de recherche pour comprendre et favoriser le développement et le maintien de poumons résilients tout au long de la vie, » ajoute-t-il.

Ces résultats s’ajoutent à d’autres découvertes importantes en médecine respiratoire réalisées à l’IR-CUSM au cours des dernières années. Rappelons qu’une étude dirigée par le Dr Smith et publiée dans JAMA en 2020 a montré que la dysanapsie était un facteur de risque important de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) et que les personnes ayant des voies respiratoires de plus gros calibre semblaient plus résistantes aux maladies respiratoires. Une autre étude, publiée en 2022 dans The American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, a quant à elle montré que la dysanapsie augmentait la vulnérabilité aux effets à long terme de la pollution atmosphérique sur la fonction respiratoire.

Figure 1. Les tomodensitogrammes ci-dessus, présentant les voies aériennes (en rouge) et les poumons (en gris foncé), démontrent le spectre de la dysanapsie. Les voies respiratoires sont plus petites par rapport à la taille des poumons (à gauche), comparativement à des voies respiratoires de taille normale (photo du milieu) et à des voies respiratoires plus grosses que la normale (photo de droite).

À propos de l’étude

L’étude Association of dysanapsis with mortality among older adults a été réalisée par Motahareh Vameghestahbanati, Coralynn Sack, Artur Wysoczanski, Eric A. Hoffman, Elsa Angelini, Norrina B. Allen, Alain G. Bertoni, Junfeng Guo, David R. Jacobs, Joel D. Kaufman, Andrew Laine, Ching-Long Lin, Daniel Malinsky, Erin D. Michos, Elizabeth C. Oelsner, Steven J. Shea, Karol E. Watson, Andrea Benedetti, R. Graham Barr et Benjamin M. Smith

DOI: 10.1183/13993003.00551-2023

À propos de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill

L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) — dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 450 chercheurs et environ 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec — Santé (FRQS). ircusm.ca

Personne-ressource pour les médias

Fabienne Landry
Coordonnatrice des communications, Recherche, CUSM
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514 812-7722