Fil d'Ariane

null Une mutation génétique à l'origine d'une maladie pulmonaire chronique chez des enfants autochtones

Une mutation génétique rare pourrait expliquer pourquoi les enfants autochtones présentent des taux beaucoup plus élevés d'infections respiratoires et de maladies pulmonaires chroniques.

Le Dr Shapiro est chercheur au sein du Programme en santé de l’enfant et en développement humain à l'IR-CUSM
Le Dr Adam Shapiro (à droite) est chercheur au sein du Programme en santé de l’enfant et en développement humain à l'IR-CUSM

Montréal, le 24 avril 2023 - Logements surpeuplés, taux élevé d'exposition au tabac, faible taux de vaccination et lésions consécutives à une infection respiratoire grave dans la petite enfance : voilà quelques raisons parfois avancées pour expliquer pourquoi les enfants autochtones souffrent davantage d'infections pulmonaires graves que les autres enfants d'Amérique du Nord, sans preuve concluante à ce sujet. Selon une équipe de scientifiques dirigée par le Dr Adam Shapiro à l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), l'une des explications pourrait résider dans une mutation génétique spécifique connue pour causer une maladie rare appelée dyskinésie ciliaire primaire (DCP). En collaboration avec d'autres médecins et scientifiques au Canada et aux États-Unis, le Dr Shapiro a découvert quatre cas de cette maladie chez des enfants autochtones nord-américains sans lien de parenté, causés par des mutations identiques du gène DNAL1. Cette découverte fait l'objet d'un article publié récemment dans The Journal of Pediatrics.

« Lorsque nous avons trouvé des enfants des Premières Nations atteints de dyskinésie ciliaire primaire causée par des mutations dans un gène extrêmement rare, nous savions qu'il y aurait d'autres cas, alors nous avons continué à chercher. Le fait que nous ayons trouvé quatre cas parmi des populations indigènes dispersées suggère que la DCP pourrait être beaucoup plus fréquente chez les Premières Nations que nous ne l'avions jamais pensé, » déclare le Dr Shapiro, chercheur au sein du Programme en santé de l’enfant et en développement humain à l'IR-CUSM et pneumologue pédiatrique à l'Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM. « Cela devrait encourager d'autres médecins en Amérique du Nord à détecter la DCP chez les enfants indigènes souffrant de maladies pulmonaires chroniques. »

La dyskinésie ciliaire primaire est une maladie génétique rare des cils, ces structures microscopiques ressemblant à des poils qui balaient les voies respiratoires, les oreilles et les sinus pour les protéger des particules inhalées et des bactéries à l'origine d'infections. Les symptômes de la DCP se manifestent généralement peu après la naissance ou dans la petite enfance. Ils comprennent une toux grasse chronique et une congestion nasale, ainsi que des pneumonies récurrentes et des infections de l'oreille moyenne. Dans de nombreux cas, la DCP est également associée à une bronchectasie - une maladie chronique caractérisée par des lésions permanentes des voies respiratoires, qui est 30 à 40 fois plus fréquente dans certaines populations indigènes que dans les riches sociétés occidentales. Les enfants atteints de DCP doivent souvent être hospitalisés.

« Les personnes atteintes de DCP ne peuvent pas évacuer efficacement le mucus de leurs poumons, ce qui entraîne de nombreuses infections des bronches. Mais comme les symptômes de la DCP ressemblent à ceux d'autres maladies pulmonaires courantes, la maladie passe souvent inaperçue, » explique le Dr Shapiro, qui a travaillé pendant de nombreuses années avec le Genetic Disorders of Mucociliary Clearance Consortium à l'élaboration des critères diagnostiques de la DCP.

L'importance d'un diagnostic précoce

Lorsque la maladie est diagnostiquée à un stade précoce, un traitement peut être proposé pour ralentir sa progression. Malheureusement, le diagnostic de la DCP est difficile, car il nécessite une série de tests pour écarter des diagnostics plus courants, ainsi que des tests spécialisés pour trouver les gènes défectueux liés à la maladie.

« Jusqu'à présent, nous avons trouvé des variantes dans plus de 50 gènes différents qui causent la DCP, et c'est pourquoi notre découverte de mutations identiques dans un gène précis, dans des populations géographiquement éloignées des Premières Nations canadiennes et des peuples autochtones d'Amérique, est si significative, ajoute le Dr Shapiro. Notre découverte signifie que d'autres tests génétiques pour la DCP et des analyses de population pourraient permettre de détecter un plus grand nombre de patients autochtones atteints de DCP, qui bénéficieraient d'une reconnaissance précoce de la maladie et d'un début de traitement en temps opportun. Cela signifie également que les affections respiratoires chez les enfants autochtones ne devraient pas être imputées à des expositions socio-économiques ou à des dommages causés par des infections respiratoires antérieures, à moins que des tests approfondis (y compris des tests génétiques pour la DCP) n'aient été effectués. »

Les auteurs de l'étude soulignent que la DCP devrait être suspectée et recherchée chez les patients autochtones en présentant les principales caractéristiques cliniques dès la petite enfance, ou en cas de bronchectasie. Dans les centres de santé ne disposant pas d'une expertise spécifique en matière de DCP, le diagnostic pourrait être effectué à l'aide de tests génétiques commerciaux.

Recherche orientée vers le patient

Activement engagé dans la découverte de nouveaux gènes pour la DCP, le Dr Shapiro tient une clinique au CUSM qui fournit des tests de diagnostic de pointe, avec des tests de phénotypage et de génotypage. Il participe également à de nombreux essais pharmaceutiques portant sur de nouveaux agents thérapeutiques destinés à traiter la DCP et d'autres maladies respiratoires.

« Ici, au CUSM, nous avons diagnostiqué l'une des plus grandes populations de patients atteints de DCP au monde. Nous avons développé une expertise spécialisée et acquis l'une des seules machines au Canada capable d'effectuer un test non invasif pour mesurer un gaz spécial sortant du nez appelé oxyde nitrique nasal, dont le taux est très faible chez les patients atteints de DCP, explique le Dr Shapiro, qui est également professeur agrégé au département de pédiatrie de l'Université McGill. Ce que nous faisons est de la véritable recherche orientée vers le patient : une recherche qui fait partie des soins cliniques. »

À propos de l’étude

L’étude Deletions in DNAL1 Cause Primary Ciliary Dyskinesia Across North American Indigenous Populations a été réalisée par Karolina Poplawska, Anne Griffiths, Renee Temme, Darryl J. Adamko, Keith Nykamp et Adam Shapiro.

DOI: https://doi.org/10.1016/j.jpeds.2023.01.023

Ressource pour les médias

Fabienne Landry
Centre universitaire de santé McGill
fabienne.landry@muhc.mcgill.ca
514 812-7722