Fil d'Ariane

null Repenser les mots que nous utilisons dans le domaine de la recherche sur le cancer

De nouveaux travaux, dirigés par Julia Burnier, proposent un cadre de travail centré sur le partenariat avec les patientes et avec les patients, afin d'utiliser un langage scientifique plus inclusif dans le domaine de la recherche sur le cancer

SOURCE : Institut du Centre universitaire de santé McGill (L'Institut)
Le 19 août 2025

Dans un nouveau commentaire, publié dans le Journal of Clinical Oncology, la chercheuse sur le cancer Julia Burnier, Ph. D., explique qu'il faut repenser l'utilisation du langage dans les communications relatives à la recherche sur le cancer. Son commentaire fait état des travaux d'un groupe national qu'elle a elle-même formé et auxquels elle participe. Ce groupe est constitué de scientifiques, de cliniciennes et de cliniciens, de patientes et de patients partenaires ainsi que de personnes qui défendent la cause de la lutte contre le cancer.

L'article, intitulé Reading the Room ([traduction] Prendre le pouls), décrit comment des expressions scientifiques courantes — comme [traduction] « la patiente ou le patient a perdu son combat contre la maladie » ou « patientes ou patients obèses » — peuvent, sans le vouloir, culpabiliser des personnes ou les réduire à leur problème de santé. Comme le soutient l'auteure de l'article, « Ces termes ou expressions ne font pas que détourner les patientes ou les patients de la recherche qui les concerne, mais peuvent aussi renforcer les stigmates, aggraver la détresse et entraîner le désengagement à l'égard de leurs soins. »

« Notre objectif est d'encourager la réflexion, et non de critiquer », poursuit la professeure Burnier, scientifique au sein du Programme de recherche sur le cancer à L'Institut. Alors qu'un nombre de plus en plus grand de personnes ayant vécu l'expérience du cancer s'engagent dans la préparation de publications scientifiques, le temps est venu pour nous de réfléchir plus soigneusement aux conséquences que peuvent avoir nos paroles. »

Julia Burnier (troisième à partir de la gauche), du Programme de recherche sur le cancer à L’Institut, en compagnie de plusieurs coautrices et coauteurs.
Julia Burnier (troisième à partir de la gauche), du Programme de recherche sur le cancer à L’Institut, en compagnie de plusieurs coautrices et coauteurs.

Une collaboration enracinée dans l'expérience vécue

Comme la science devient plus accessible grâce aux publications ouvertes et aux plateformes numériques, des patientes et des patients, de même que des proches aidantes et des proches aidants font de plus en plus partie du public cible. Leur engagement est maintenant le plus souvent reconnu comme étant essentiel à la recherche. Toutefois, une bonne partie du langage utilisé en rédaction scientifique reste technique, distant sur le plan affectif, voire nuisible sans le vouloir. Julia Burnier fait remarquer que l'inclusivité n'est pas seulement une question de compassion, mais aussi un moyen de renforcer la recherche comme telle — parce que les patientes et les patients formulent des observations susceptibles d'améliorer la conception et la réalisation des études, de même que la manière dont on communique les résultats des travaux de recherche.

Contrairement aux lignes directrices antérieures développées uniquement par des cliniciennes et par des cliniciens ainsi que par des corporations ou par des associations professionnelles, cet effort de collaboration intègre directement le point de vue et les connaissances de personnes qui ont vécu ou qui vivent l'expérience du cancer — ce qui marque un glissement vers un réel partenariat avec les patientes et avec les patients en rédaction scientifique.

Les travaux susmentionnés sont le fruit d'une création collective, à laquelle ont participé cinq scientifiques et sept autres personnes, soit des patientes et patients partenaires ou des personnes défendant la cause de la lutte contre le cancer, répartis dans cinq provinces canadiennes. Ensemble, les membres de l'équipe ont passé en revue des exemples de rédaction scientifique, tirés du monde réel; ils ont aussi développé un cadre de travail pour orienter les communications, afin qu'elles soient plus bienveillantes, plus inclusives et plus précises. Les membres de ce groupe se sont réunis tous les mois pour réfléchir aux expressions ou aux termes qui avaient été culpabilisants, déshumanisants ou réducteurs dans leur expérience.

Le groupe souligne que les changements apportés au langage — comme le remplacement de certaines expressions, du genre « échec du traitement » et « fumeuse ou fumeur » par « le traitement n'a pas été efficace » ou « personne ayant des antécédents de tabagisme » — peuvent avoir des répercussions considérables. Le langage inclusif contribue à donner de la confiance, à réduire les stigmates et à soutenir un meilleur engagement à l'égard de la science et des soins.

L'appel à l'action dont il est ici question vise les chercheuses et les chercheurs, les rédactrices en chef et les rédacteurs en chef des journaux ainsi que les communicatrices et les communicateurs scientifiques — mais, au bout du compte, l'effet se fait sentir sur les patientes et les patients ainsi que sur les familles. Toutes ces personnes peuvent ainsi se sentir moins invisibles et avoir l'impression d'être davantage entendues dans le contexte de travaux de recherche qui reflètent les expériences qu'elles ont vécues et qui préservent leur dignité.

De la sensibilisation à l'action

L'article susmentionné reconnaît les défis que doivent relever les scientifiques, y compris les contraintes d'espace dans les journaux et les pressions exercées sur eux en matière de précision. Toutefois, les auteures et les auteurs soutiennent que la valeur éthique du langage inclusif l'emporte sur les inconvénients — ils ajoutent que des mots et des expressions choisis avec soin peuvent contribuer au développement d'une culture scientifique encore plus sensible aux autres.

« En choisissant plus soigneusement les mots que nous utilisons, nous pouvons rendre la science plus inclusive, plus respectueuse et, au bout du compte, plus efficace », conclut la professeure Burnier.

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