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null Élagage excessif : Une nouvelle étude révèle comment la neurodégénérescence se produit dans le cerveau
Une équipe de chercheurs de Montréal démontre comment des mutations génétiques dérèglent l’élagage synaptique, entraînant la mort et l’inflammation de cellules cérébrales
Montréal, le 23 mars 2023 – De la même façon qu’élaguer un arbre favorise sa bonne croissance, le cerveau humain élague ses synapses pour éliminer les connexions inutiles entre ses cellules. Mais quand ce processus qui a naturellement lieu entre la petite enfance et l’âge adulte ne cesse pas correctement, le cerveau perd trop de connexions, dont certaines sont importantes. Cet élagage excessif entraîne la mort de certaines cellules cérébrales et l’inflammation de certaines autres, ce qui conduit à des troubles du mouvement, de la pensée et de l’apprentissage. Dans une étude inédite récemment publiée, une équipe de scientifiques de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Institut Lady Davis (ILD) de l’Hôpital général juif a décrit comment ce dérèglement se produit.
En analysant les conséquences développementales de trois mutations d’histones définies (H3.3G34R, V et W), une équipe de recherche dirigée par Nada Jabado, M.D., Ph. D. et Livia Garzia, Ph. D., de l’IR-CUSM, en collaboration avec Claudia Kleinman, Ph. D., de l’ILD, a élucidé un mécanisme génétique à l’origine de syndromes neurodéveloppementaux graves. Plus précisément, les scientifiques ont découvert comment le cerveau se détériore lors de maladies causées par ces mutations germinales, c’est-à-dire des mutations qui sont présentes dans les cellules reproductrices et qui s’intègrent dans l’ADN de chaque cellule. Leurs constatations, publiées dans la revue Cell, pourraient non seulement aider la science à mieux traiter ces maladies, mais aussi éclairer l’étude d’autres maladies neurologiques liées à la perte de cellules cérébrales et à l’inflammation (comme la maladie d’Alzheimer) et de maladies potentiellement liées à un élagage excessif (comme la schizophrénie).
« Les neurones ne peuvent pas être remplacés. Découvrir les mécanismes qui les affectent est essentiel et ouvre la voie à des interventions thérapeutiques dont nous avons grandement besoin pour freiner l’inflammation avant que la perte neuronale ne devienne sérieuse, et pour limiter la maladie à long terme », déclare la Dre Jabado, scientifique principale au sein du Programme en santé de l’enfant et en développement humain de l’IR-CUSM et professeure au département de pédiatrie de l’Université McGill.
« La neurodégénérescence est l’un des enjeux majeurs auxquels nous sommes confrontés en vieillissant », ajoute Claudia Kleinman, professeure agrégée de génétique humaine à l’Université McGill et chercheuse principale à l’ILD. « Toute nouvelle découverte est la bienvenue, car les besoins sont immenses, et nos résultats peuvent jeter un éclairage supplémentaire sur ce problème dévastateur. »
Un élagage persistant plutôt que transitoire
L’étude révèle que certaines mutations dans les gènes des histones provoquent une diminution de l’expression des « balises » sur des zones définies de la chromatine (un mélange d’ADN et de protéines formant les chromosomes). Ces balises mobilisent habituellement la DNMT3A, une enzyme chargée de désactiver ou d’activer les gènes selon les zones de dépôt. La diminution des balises fait en sorte que les gènes continuent à produire les protéines qui participent au processus d’élagage synaptique. Ainsi, l’élagage qui aurait dû cesser se poursuit, entraînant des atteintes cérébrales.
« Nous savions que certaines mutations germinales des histones étaient à l’origine de syndromes neurodéveloppementaux graves associés à un cerveau plus petit, à des difficultés à marcher, à manger et à parler, et à des problèmes d’apprentissage », explique Livia Garzia, scientifique au sein du Programme de recherche sur le cancer de l’IR-CUSM et professeure adjointe au département de chirurgie de l’Université McGill. « Avec cette étude, nous avons démontré ce qui se passe lorsque les histones ne font plus leur travail correctement et laissent le cerveau produire trop de protéines inflammatoires, provoquant une neurodégénérescence progressive. »
Tout a commencé avec deux patients
L’équipe de la Dre Jabado a identifié un patient qui présentait une mutation germinale de novo (non héritée de ses parents) dans le gène H3.3G34R. Ce patient partageait les mêmes caractéristiques qu’un autre patient porteur d’une mutation du gène H3.3G34V. Les deux patients accusaient dès la naissance un retard neurodéveloppemental sévère, qui s’est aggravé durant le développement postnatal. À l’âge de deux ans, ils souffraient tous deux d’un sérieux retard de croissance et d’une microcéphalie.
« Les deux patients avaient d’autres symptômes cliniques, notamment des difficultés à manger, des mouvements répétitifs des mains et une épilepsie résistante aux médicaments. Ni l’un ni l’autre ne pouvait marcher ou parler, ce qui porte à croire que la ligne germinale H3.3G34R/V a gravement compromis leur développement cérébral et leur fonction neurocognitive, explique la Dre Jabado, qui est également hémato-oncologue pédiatre à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM. Cependant, le patient G34R présentait une régression développementale distinctive, caractérisée par une perte de la capacité à s’asseoir et une baisse de l’interactivité sociale. »
Observations différenciées pour chaque mutation
Pour comprendre les conséquences développementales des mutations germinales de H3.3G34, les scientifiques ont modifié des souris avec des mutations G34R, V et W au moyen de l’édition d’embryons.
Dans leur article, les scientifiques rapportent que les déficiences neurologiques sont apparues chez les souris à l’adolescence et au début de l’âge adulte, s’aggravant progressivement avec le temps. Ils ont par ailleurs constaté que les mutations G34R, V et W ont eu des impacts fondamentaux sur le développement du cerveau de façons étonnamment différentes. Notamment :
- La mutation G34R a affecté des tissus d’une autre provenance que la mutation G34W.
- Les souris G34R ont présenté de graves perturbations neurologiques, tandis que les souris G34W ont subi des malformations de la vessie et de l’appareil urétéro-génital, et une obésité morbide.
- Les souris G34R ont présenté une déficience des fonctions motrices, mais pas les souris G34W.
- L’ataxie, un trouble de la coordination, de l’équilibre et de l’élocution dû à un contrôle musculaire insuffisant, a sévèrement affecté les souris G34R et entraîné leur mort. Elle a touché les souris G34V légèrement, mais n’a aucunement touché les souris G34W.
- La mutation G34R a induit chez les souris une microcéphalie progressive; la mutation G34V aussi, à un degré moindre, mais pas la mutation G34W.
« Notre étude a permis de détecter des différences développementales remarquables chez les mutants H3.3G34R, V et W, reflétant les caractéristiques observées chez les patients atteints de maladies liées aux mutations H3.3G34, précise la Dre Jabado. Nous avons élucidé les dérèglements épigénétiques du cerveau en développement causés par la mutation G34R, qui pourraient sous-tendre les déficits neurologiques propres à cette mutation ».
Du gène au phénotype, un portrait plus complet
L’équipe de recherche est réputée mondialement pour ses travaux sur le cancer et les tumeurs cérébrales, notamment axés sur les mutations des gènes histones. C’est dans ce cadre qu’elle s’est initialement penchée sur les mutations H3.3G34 en laboratoire. À un certain moment, les scientifiques ont remarqué que des souris manifestaient un phénotype (un ensemble de caractéristiques) de neurodégénérescence pour un mutant précis. Ils ont alors identifié des patients atteints de neurodégénérescence qui présentaient les mêmes symptômes.
« Nous ne pouvions ignorer ce phénotype, tant il était marqué et probant. Aussi, le fait que cette mutation puisse se produire dans la lignée germinale et compromettre gravement le développement et l’avenir d’enfants nous a beaucoup motivés à aller de l’avant », explique la Dre Jabado.
Sima Khazei, une étudiante diplômée du laboratoire de la Dre Jabado, a joué un rôle déterminant dans ce processus. À force de travail rigoureux, de perspicacité et de persévérance, elle a mené l’équipe dans ses efforts pour élucider les origines de ce phénotype. La lumière a été faite lorsque chacun — Nada Jabado, Livia Garzia et Claudia Kleinman, et les co-premier auteurs Sima Khazaei, Carol CL Chen et Augusto Faria Andrade — a contribué sa pièce du casse-tête, et validé les données qui ont fait de cette cascade d’événements une réalité potentiellement applicable ailleurs.
« Ce travail nous procure beaucoup de fierté, non seulement par ses résultats, mais en raison de l’approche que nous avons adoptée pour comprendre les mécanismes de la maladie, et des outils que nous fournissons à la communauté scientifique. Ces deux éléments ont une grande valeur et pourraient servir à étudier plusieurs types de maladies cérébrales », conclut Claudia Kleinman.
À propos de l’étude
L’étude Single substitution in H3.3G34 alters DNMT3A recruitment to cause progressive neurodegeneration a été réalisée par Sima Khazaei, Carol CL Chen, Augusto Faria Andrade, Nisha Kabir, Pariya Azarafshar, Shahir M Morcos, Josiane Alves França, Mariana Lopes, Peder J Lund, Geoffroy Danieau, Samantha Worme, Lata Adnani, Nadine Nzirorera, Xiao Chen, Gayathri Yogarajah, Caterina Russo, Michele Zeinieh, Cassandra J Wong, Laura Bryant, Steven Hébert, Bethany Tong, Tianna S Sihota, Damien Faury, Evan Puligandla, Wajih Jawhar, Veronica Sandy, Mitra Cowan, Emily M Nakada, Loydie A Jerome-Majewska, Benjamin Ellezam, Carolina Cavalieri Gomes, Jonas Denecke, Davor Lessel, Marie T McDonald, Carolyn E Pizoli, Kathryn Taylor, Benjamin T Cocanougher, Elizabeth J Bhoj, Anne-Claude Gingras, Benjamin A Garcia, Chao Lu, Eric I Campos, Claudia L Kleinman, Livia Garzia et Nada Jabado..
DOI:10.1016/j.cell.2023.02.023.
Ces travaux ont été soutenus par Génome Québec, Génome Canada, le gouvernement du Canada et le ministère de l'Économie et de l'Innovation du Québec, avec le soutien du Fonds de recherche de l'Ontario grâce à un financement du gouvernement de l'Ontario. Les travaux de recherche ont également été rendus possibles grâce au soutien financier de la Société de recherche sur le cancer, de la Fondation Charles-Bruneau, des National Institutes of Health, des Instituts de recherche en santé du Canada, de la Société canadienne du cancer et du Fonds de recherche du Québec - Santé.
La Dre Jabado tient aussi à remercier la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour son soutien continu.
À propos de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill
L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR‑CUSM compte plus de 450 chercheurs et environ 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). ircusm.ca
À propos de l’Institut Lady Davis
L’Institut Lady Davis (ILD) a ouvert ses portes en 1969. L’ILD est l’organe de recherche de l’Hôpital général juif (HGJ), qui est affilié au CIUSSS du Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal (CCOMTL), et est administré par le CIUSSS CCOMTL. L’ILD fait également partie du Réseau Universitaire Intégré de Santé (RUIS) McGill. Ses chercheurs fondamentaux et cliniques assument tous une charge d’enseignement universitaire. L’Institut compte plus de 200 chercheurs et 100 membres du personnel administratif et de soutien. En outre, environ 175 étudiants de deuxième ou troisième cycle et boursiers postdoctoraux reçoivent leur formation en recherche à l'Institut chaque année. Les domaines de recherche d’intérêt comprennent les traitements anticancéreux, l'oncologie moléculaire, la thérapie cellulaire et génétique, le sida et le VIH, le vieillissement, l’hypertension et les maladies cardiovasculaires, l’épidémiologie clinique et la psychosociologie de la maladie. L’ILD est l’un des instituts de recherche hospitaliers les plus productifs au Canada et au Québec en termes de bourses évaluées par les pairs au pied carré. Pour en savoir plus, visitez le site ladydavis.ca.
Pour les demandes médias pour les Dres Jabado ou Garzia, veuillez contacter :
Fabienne Landry
Centre universitaire de santé McGill
Cell 514 812-7722
Email: fabiennePraesent id dolor porta, faucibus eros vel.landry@muhc.mcgill.ca
Pour les demandes médias pour la Dre Kleinman, veuillez contacter :
Pascal Fischer
Institut Lady Davis
Tel.: 514 340-8222 x 28661 ou 450 218-6487
Email: pascalPraesent id dolor porta, faucibus eros vel.fischer@ladydavis.ca