Fil d'Ariane

null Publiés dans The Lancet, les résultats de l’étude du Dr Elvin Kedhi redéfinissent les normes s’appliquant au traitement des maladies du cœur graves

Le temps est-il venu de repenser les pratiques établies depuis longtemps?

SOURCE : Département de médecine, Université McGill
Le 20 décembre 2024

Dans ce qui signifie un bond en avant important pour la cardiologie, le Dr Elvin Kedhi, professeur au Département de médecine de l’Université McGill et chercheur à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (L’Institut), a dirigé une étude très novatrice, dont les résultats ont récemment été publiés (en anglais) dans The Lancet. Cette étude conteste les lignes directrices établies depuis longtemps relativement au traitement de la sténose aortique grave et de la maladie des artères coronaires complexe. Cette étude, connue sous le nom d’essai clinique TCW, a exploré une solution de rechange à la chirurgie à cœur ouvert; cette solution de rechange est moins effractive. Cette étude a déjà stimulé la conversation à l’échelle mondiale.

Le Dr Elvin Kedhi, chercheur au sein du Programme de recherche en santé cardiovasculaire au long de la vie, Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, et professeur, Département de médecine, Université McGill
Le Dr Elvin Kedhi, chercheur au sein du Programme de recherche en santé cardiovasculaire au long de la vie, Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, et professeur, Département de médecine, Université McGill

L’étude en question se concentre sur des patientes et des patients âgés de plus de 70 ans, présentant les deux problèmes cardiovasculaires suivants :

  1. Sténose aortique grave : Rétrécissement de l’ouverture de la valve aortique du cœur, ce qui restreint la circulation du sang.
  2. Maladie des artères coronaires complexe : Blocages dans plusieurs artères coronaires, qui empêchent le sang d’alimenter le muscle cardiaque.

Traditionnellement, on traite les affections susmentionnées en procédant à un remplacement chirurgical de la valve aortique et à un pontage aortocoronarien – cette combinaison peut comporter des risques importants pour les patientes ainsi que les patients plus âgés et plus fragiles. Les travaux de recherche du Dr Kedhi ont exploré une solution de rechange de pointe : l’implantation transcathéter de valvule aortique (ITVA) combinée avec la mesure de la réserve coronaire (FFR) (acronyme de l’expression anglaise « Fractional Flow Reserve ») - intervention coronarienne percutanée (ICP) dirigée.

« Des études antérieures ont démontré que l’implantation transcathéter de valvule aortique (ITVA) était aussi bonne, voire meilleure, que le remplacement chirurgical de la valve aortique. Ces études ont également démontré que la mesure de la réserve coronaire (FFR) - intervention coronarienne percutanée (ICP) dirigée réduit le nombre d’interventions non nécessaires, en mettant l’accent uniquement sur les artères qui ont vraiment besoin d’être opérées, a expliqué le Dr Kedhi. Il était sensé de combiner ces deux approches minimalement effractives, plus particulièrement compte tenu des risques liés à la combinaison du remplacement chirurgical de la valve aortique avec un pontage aortocoronarien. »

Précisions sur l’essai clinique

Les responsables de l’essai clinique en question avaient prévu de recruter 340 patientes et patients, mais ont dû mettre fin au processus après avoir effectué 50 % du recrutement prévu, en raison des différences existant entre les sites de recherche. Au total, 172 patientes et patients provenant de l’Europe ont été affectés au hasard à l’un des deux groupes :

  • Implantation transcathéter de valvule aortique (ITVA) combinée avec la mesure de la réserve coronaire (FFR) - intervention coronarienne percutanée (ICP) dirigée: Il s’agit de l’approche la moins effractive.
  • Remplacement chirurgical de la valve aortique et pontage aortocoronarien : il s’agit de la méthode traditionnelle.

Les chercheuses et les chercheurs ont surveillé les patientes et les patients pendant un an; ils ont exercé un suivi sur des données comme les décès, les crises cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et les hémorragies graves.

Résultats

Les conclusions ont été frappantes :

  • Il n’y a eu aucun décès dans le groupe ITVA + FFR-ICP dirigée, comparativement à un taux de mortalité de 10 % au sein du groupe de patientes et de patients traités chirurgicalement.
  • Les hémorragies potentiellement mortelles ont été beaucoup moins fréquentes dans le groupe recevant le traitement moins effractif (2 % comparativement à 12 %).
  • Le temps de récupération a été plus court; la durée moyenne des séjours à l’hôpital a été de sept (7) jours pour les patientes et les patients du groupe ITVA + FFR-ICP dirigée, comparativement à dix (10) jours pour les patientes et les patients ayant subi une chirurgie à cœur ouvert.

« Nous nous attendions à obtenir de bons résultats, mais nous ne prévoyions pas devoir mettre fin à l’essai clinique aussi tôt, en raison des différences importantes du taux de mortalité entre les deux groupes, a poursuivi le Dr Kedhi. Il était évident que nous étions en train de développer une approche transformatrice. »

Pourquoi c’est important

Les lignes directrices actuelles recommandent encore l’approche chirurgicale, malgré le peu de données probantes soutenant cette recommandation. « Cela a toujours été un sujet de débat entre les équipes offrant des soins en cardiologie, a souligné le Dr Kedhi. Notre essai clinique est le premier à fournir des données probantes concrètes randomisées, selon lesquelles les méthodes moins effractives peuvent donner de meilleurs résultats. »

Les implications de l’étude en question dépassent les soins donnés aux patientes et aux patients – cette étude lance un défi à la communauté médicale et l’invite à repenser les pratiques existant de longue date. Toutefois, le Dr Kedhi a insisté sur le fait que la chirurgie reste une option valable pour les patientes et les patients plus jeunes ou pour ceux dont l’anatomie coronaire est particulièrement complexe.

Pour surmonter les défis

La route menant aux conclusions susmentionnées a été semée d’embûches. Le recrutement de participantes et de participants à un tel essai clinique, plus particulièrement pendant la pandémie de COVID-19, a constitué tout un défi. Bon nombre de patientes et de patients ont opté pour la participation à l’essai clinique lorsqu’ils ont appris qu’il s’agissait d’une option moins effractive; ils ont purement et simplement choisi la combinaison ITVA + FFR-ICP dirigée. « La coordination entre les activités réparties dans plusieurs centres européens et différentes spécialités, de même que la reprise de l’essai clinique après la COVID, ont exigé des efforts considérables, a ajouté le Dr Kedhi. Je suis profondément reconnaissant envers mes collègues pour le dévouement dont ils et elles ont fait preuve. »

Quelles sont les prochaines étapes?

Bien que les résultats soient prometteurs, il faut procéder à des études plus vastes, permettant de corroborer les conclusions que nous avons tirées; il faut aussi explorer les questions pour lesquelles il n’y a pas de réponse, comme les avantages à long terme de l’approche que nous préconisons ou la nécessité de procéder à la revascularisation coronaire chez les patientes et les patients présentant une sténose aortique. Le Dr Kedhi est optimiste quant aux résultats des futures recherches, mais il reconnaît l’existence des défis liés à l’obtention du financement nécessaire pour procéder à des essais cliniques internationaux.

« L’essai clinique que nous venons de réaliser n’est qu’un début, a conclu le Dr Kedhi. Nous avons déjà inspiré d’autres études; je suis convaincu que l’approche que nous préconisons ouvrira la voie à l’amélioration des soins en cardiologie, qui seront plus sécuritaires et plus efficaces. »

Article publié pour la première fois le 12 décembre 2024 sur le site Web de l’Université McGill (en anglais)