Fil d'Ariane

null À la suite d’une perte tragique, une carrière consacrée à la régénération des organes

Darcy Wagner, Ph. D., dirige des travaux visant à faire avancer les traitements issus de la bio-ingénierie axés sur la bio-impression en 3 D, dans le but de produire de manière précise du tissu pulmonaire pour soigner des maladies pulmonaires chroniques

SOURCE : Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université McGill
Article de Dana Ajjaoui
Le 8 août 2024

Le nombre insuffisant de dons d’organes constitue plus qu’une crise de santé publique pour Darcy Wagner, Ph. D., scientifique senior au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM). C’est une tragédie personnelle qui est à l’origine de la mission de cette scientifique.

« Lorsque j’étais jeune, mon meilleur ami a eu besoin d’une greffe de rein, raconte la professeure au Département de médecine et de génie biomédical de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université McGill. Il est toutefois décédé alors que son nom figurait encore sur la liste d’attente. »

Darcy Wagner, Ph. D., est chercheuse principale au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires de l’IR-CUSM. (Photo : Lynn Dozois)
Darcy Wagner, Ph. D., est chercheuse principale au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires de l’IR-CUSM. (Photo : Lynn Dozois)

« J’ai été très touchée par le nombre insuffisant de dons d’organes, ajoute-t-elle. C’est là l’élément moteur de ce que je fais depuis le début de ma carrière. »

Rien ne laissait présager que la professeure Wagner travaillerait dans le domaine de la régénération des poumons. « Je suis arrivée dans le domaine pulmonaire un peu par accident », poursuit-elle. Après des débuts en génie mécanique, où elle a acquis des compétences essentielles dans le domaine des matériaux, de la fabrication et de la modélisation computationnelle, elle a fait des études de doctorat en génie biomédical portant sur le tissu osseux. Une occasion fortuite de travailler sur un projet de génie relatif au tissu pulmonaire s’est alors présentée à elle. Malgré le fait qu’elle n’avait jamais travaillé dans le domaine pulmonaire, elle a réalisé qu’elle avait trouvé sa voie. « Je n’ai depuis travaillé dans aucun autre domaine que la régénération des poumons », ajoute-t-elle.

La passion que la professeure Wagner s’est alors découverte pour les maladies pulmonaires s’est renforcée pendant ses études de postdoctorat au Vermont, où elle a réalisé des travaux sur une plus grande échelle. Ses travaux portaient sur le processus de décellularisation, en ramenant des poumons de porc à la taille de poumons humains. « Je n’oublierai jamais cette expérience – c’était la toute première fois que nous permettions à des cellules de survivre, enchaîne-t-elle. Il a fallu déployer beaucoup d’efforts et faire preuve de beaucoup de créativité pour résoudre les problèmes auxquels nous faisions face. »

« Ce que j’essaie de faire peut parfois sembler réellement fou, mais il y a des moments où nous réalisons des percées et vivons une expérience qui nous fait croire que c’est possible. »

Direction des travaux

Travaillant sur le site Glen de l’IR-CUSM, la professeure Wagner dirige maintenant des travaux de recherche de pointe dans le domaine de la médecine régénérative; elle se penche sur les maladies pulmonaires, aiguës ou chroniques, qui se classent respectivement au troisième et au quatrième rangs des principales causes de décès à l’échelle mondiale. Elle a récemment été nommée titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur la médecine régénératrice du poumon; son programme vise le raffinement de la génération de tissus en ayant recours aux techniques de bio-impression en 3D.

La professeure Wagner décrit le génie tissulaire comme une approche combinant des cellules avec des matériaux synthétiques. « Nous produisons un modèle sur lequel nous pouvons ensemencer des cellules, explique-t-elle. De cette façon, les cellules sont déjà attachées au substrat de tissu. Nous pouvons ainsi générer de plus petites ou de plus grandes pièces de tissu cellulaire. Notre objectif est d’intégrer ce tissu au reste du corps, ce qui est beaucoup plus réaliste que d’essayer de créer un poumon entier en ayant recours à la bio-ingénierie. »

Poursuivre l’innovation du point de vue éthique

La professeure Wagner affirme ressentir un mélange d’enthousiasme et d’humilité à l’idée de réaliser des travaux ayant le potentiel de sauver des vies grâce à la médecine régénérative. « La situation est emballante, mais elle incite aussi à la modestie, car elle s’accompagne d’une grande responsabilité », commente-t-elle. Elle insiste sur l’importance cruciale que revêt le développement éthique de nouvelles formes de traitement, faisant remarquer que les raccourcis peuvent se solder par un échec et coûter des vies.

« Il a tellement d’espoir associé aux thérapies faisant appel à la régénération d’organes que certaines personnes peuvent sentir de la pression et être tentées de ne pas respecter les règles de l’art. Nous avons une très grande responsabilité pour ce qui est d’effectuer ce genre de travaux de la manière la plus éthique qui soit. »

La professeure Wagner demeure motivée et optimiste. « J’estime qu’il n’y a rien d’impossible dans la vie, souligne-t-elle. Tout dépend souvent de la manière dont nous concevons et définissons le succès », poursuit-elle. Cette façon de voir les choses stimule son engagement à réaliser des percées de manière rigoureuse et éthique dans le domaine de la médecine régénérative.

La scientifique se sent privilégiée de participer à des travaux entièrement nouveaux; les retombées potentielles pour les patientes, les patients et les familles en attente d’une greffe du poumon sont une source d’inspiration pour elle. « L’autre élément qui me garde vraiment motivée est que nous donnons de l’espoir à toutes ces personnes en attente d’une greffe du poumon, conclut-elle. Je crois qu’elles comprennent toutes que, malgré le fait qu’elles pourraient bien ne pas en être témoins de leur vivant, nous aurons un jour des traitements à proposer; c’est ce qui leur permet d’espérer. »

La professeure Wagner est enthousiaste à l’idée de traduire des travaux de recherche en avantages tangibles pour les patientes et pour les patients. « Peut-être que dans huit ans, nous pourrons amorcer des conversations sur la possibilité de mettre au point quelque chose qui pourrait être inséré dans le corps des malades, et c’est vraiment enthousiasmant! »

Perspective d’avenir

La scientifique poursuit en disant qu’elle voit l’avenir de la science de la régénération dans les progrès réalisés par ses stagiaires et dans la créativité dont ce groupe fait preuve, ce qu’elle trouve profondément inspirant. « C’est vraiment enthousiasmant de voir une étudiante ou un étudiant qui est incapable de faire certaines choses ou qui lutte âprement pour obtenir des résultats, puis de voir cette même personne arriver par la suite avec de nouvelles idées qu’on n’aurait jamais pu proposer soi-même, poursuit-elle. » Elle conclut en insistant sur la nécessité de promouvoir la diversité et de modifier la façon de penser dans le domaine scientifique : « Si on se contente de me remplacer, cela fera tout simplement 100 ans qu’on pense de la même manière. Le monde n’a pas besoin d’une autre personne identique à celles qui existent déjà. Le monde a besoin de vous. »

Enchantée à l’idée de poursuivre ses travaux de recherche à l’Université McGill et à l’IR-CUSM, la professeure Wagner apprécie grandement les investissements effectués à l’université, au Québec ainsi qu’à l’échelle nationale, plus particulièrement la disponibilité de technologies de pointe comme les microscopes et les bio-imprimantes de toute nouvelle génération. « Ces ressources vont me permettre de rester concurrentielle à l’échelle internationale et de contribuer aux recherches de l’Université McGill, en proposant de nouvelles technologies et de nouvelles pièces d’équipement au Canada. »
 

—Article publié pour la première fois le 31 juillet 2024 par l'Université McGill (en anglais)