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null Des chercheurs identifient l’origine d’un cancer du cerveau mortel

La Dre Jabado est scientifique senior dans le Programme en santé de l'enfant et en développement humain à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill
La Dre Jabado est scientifique senior dans le Programme en santé de l'enfant et en développement humain à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill

La découverte pourrait mener à des traitements potentiels

Source : Université McGill. Des chercheurs de l’Université McGill espèrent que l’identification de l’origine et d’un gène précis nécessaire à la croissance tumorale pourrait mener à de nouvelles thérapeutiques pour traiter un cancer du cerveau mortel qui survient chez les adolescents et les jeunes adultes. La découverte vise un sous-groupe des glioblastomes, une forme de cancer rare, agressive et généralement fatale dans les trois années suivant son apparition. Les résultats sont publiés dans le dernier numéro du journal Cell.

Pour compléter leur étude, l’équipe de recherche, menée par deux chercheuses de l’Université McGill, la Dre Nada Jabado, professeure de pédiatrie et de génétique humaine, et la Dre Claudia Kleinman, professeure adjointe de génétique humaine, a effectué la plus grande collecte d’échantillons pour ce sous-groupe des glioblastomes et a découvert de nouvelles mutations causant le cancer dans un gène nommé PDGFRA, qui stimule la division et croissance du gène lorsqu’il est activé.

Les chercheurs ont noté que près de la moitié des patients au stade du diagnostic et la grande majorité au stade de récidive de la tumeur avaient des mutations de ce gène, qui était également anormalement et fortement exprimé dans ce sous-groupe des glioblastomes. « Nous avons étudié de vastes ensembles publics de données de patients pédiatriques et adultes en plus de ceux que nous avions générés à partir des échantillons des patients dans le laboratoire, et nous en sommes venues à la même conclusion; le gène PDGFRA était indûment activé dans ces tumeurs. Cela nous a permis de supposer que cette kinase joue un rôle majeur dans la formation de la tumeur », expliquent Carol Chen, boursière postdoctorale, et Shriya Deshmukh, candidate au programme M.D.-Ph. D. dans le laboratoire de la Dre Jabado, toutes deux co-premières auteures de l’étude.

Grâce à une ressource de « mégadonnées » générée par leur équipe à l’aide de nouvelles technologies mesurant les niveaux de chaque gène dans des milliers de cellules individuelles, elles ont été en mesure de découvrir que cette tumeur cérébrale provient d’un type précis de cellule souche neuronale. « Nous avons utilisé l’analyse de cellules individuelles pour créer un atlas du développement d’un cerveau en santé, permettant ainsi d’identifier des centaines de types de cellules ainsi que leurs traits », explique Selin Jessa, étudiante au doctorat dans le laboratoire de la Dre Kleinman et co-première auteure de cette étude. « Puisque ces tumeurs cérébrales conservent des souvenirs, ou des empreintes, de la cellule de laquelle elles proviennent, nous pouvons ainsi identifier le type de cellule le plus similaire dans l’atlas, soit dans ce cas-ci les progéniteurs neuronaux inhibiteurs qui surviennent lors du développement fœtal ou après la naissance dans des structures spécifiques du cerveau en développement », ajoute la Dre Kleinman, qui dirige un laboratoire de recherche computationnelle à l’Institut Lady Davis à l’Hôpital général juif.

Une découverte inattendue

Les chercheurs ont noté que le gène PDGFRA n’est pas généralement activé dans cette population de cellules souches neuronales. « En utilisant des technologies de séquençage qui mesurent la manière dont l’ADN d’une cellule est spatialement organisé en 3D, nous avons découvert que, dans cette cellule souche neuronale, l’ADN a une structure 3D unique qui permet au gène PDGFRA de s’activer où il ne le devrait pas, menant ultimement au cancer », explique Djihad Hadjadj, boursière postdoctorale dans le laboratoire de la Dre Jabado et co-première auteure de l’étude.

La découverte est également importante dans la classification adéquate de la tumeur. « Ce type de tumeur était précédemment catégorisé comme étant un “gliome”, puisque sous le microscope il ressemble aux cellules gliales, l’un des types de cellules principaux dans le cerveau », explique la Dre Jabado, qui détient une chaire de recherche du Canada en oncologie pédiatrique, niveau 3, en plus d’être clinicienne-chercheuse à l’Hôpital de Montréal pour enfants et de diriger un laboratoire de recherche axé sur l’étude des tumeurs cérébrales à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill. « Notre travail révèle qu’il s’agit d’une erreur d’identité. Ces tumeurs surviennent dans une cellule neuronale et non dans une cellule gliale. »

Un espoir pour un traitement potentiel

Le gène PDGFRA peut être ciblé par des médicaments qui inhibent son activité. Il existe d’ailleurs des médicaments approuvés qui le ciblent déjà dans le cas d’autres cancers pour lesquels les mutations dans ce gène sont responsables, comme les tumeurs stromales gastro-intestinales. Cette découverte offre un espoir de trouver des thérapies ciblées pour ce groupe de tumeurs cérébrales mortelles, notent les chercheuses.

Les études combinées du génome, incluant au niveau de la cellule individuelle et l’architecture génomique en 3D de la tumeur comparée au cerveau en développement normal, étaient cruciales dans le cadre de cette étude. Elles ont aidé à identifier les moments précis au cours du développement où la cellule est vulnérable à l’événement menant au cancer dans ces « gliomes », qui se sont avérés être des tumeurs neuronales. Notablement, les auteurs éclaircissent les événements génétiques pouvant mener aux thérapies ciblées dans les cancers mortels. « Nos découvertes offrent un espoir pour une amélioration des soins dans un avenir proche pour cette entité tumorale puisque ces vulnérabilités aideront à identifier des traitements qui attaqueront préférentiellement les “mauvaises” cellules », déclarent les Dres Jabado et Kleinman, qui ont uni leurs efforts dans la lutte contre cette tumeur cérébrale mortelle. « Des arrêts dans le développement sont à l’origine de plusieurs de ces cancers. La même stratégie s’avérera importante pour découvrir l’origine, identifier et exploiter les vulnérabilités spécifiques et orienter les stratégies futures pour une détection précoce d’autres entités de tumeurs cérébrales touchant les enfants et les jeunes adultes. »

Cette étude fut possible en grande partie grâce au soutien du concours PRAGE de Génome Canada pour le projet intitulé « Le cancer du cerveau chez l’enfant : attaquer le problème à la racine pour améliorer les chances de survie et la qualité de vie », qui comprend du financement de Génome Canada, de Génome Québec, des IRSC et d’autres sources, ainsi que de la Fondation Charles-Bruneau et des National Institutes of Health.

“Histone H3.3G34-Mutant Interneuron Progenitors Co-opt PDGFRA for Gliomagenesis,” by C. Chen, S. Deshmukh, S. Jessa, D. Hadjadj, C. Kleinman, N. Jabado, et al, was published in the journal Cell on December 10, 2020. DOI : https://doi.org/10.1016/j.cell.2020.11.012

10 décembre 2020

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